La division jus de LDC
- 3eacteur du jus d'orange, derrière Cutrale et Citrosuco
- 38 plantations en propre, soit 30 000 hectares
- 100% sera labellisé Rainforest Alliance d'ici deux à trois ans
- 1/3 des jus commercialisés proviennent des plantations maison et 2/3 de partenaires
- 3 usines de pressage
- 2 navires
- 2 terminaux portuaires, à São Paulo et à Gand (Belgique)
Source : société
Les amateurs de jus savent-ils que les fruits des orangers sont cueillis à la main ? Qu'il n'existe pas à ce jour de machine permettant un ramassage mécanique ? Que l'intelligence artificielle aidera sans doute à mécaniser la récolte, en reproduisant le geste du cueilleur ? Que les cueilleurs sont habillés des pieds à la tête pour se protéger de la faune locale-serpents de toutes sortes dont des anacondas, insectes, jaguars… ? Qu'ils passent plusieurs fois par saison sur le même arbre afin de récolter les fruits à pleine maturité ? Que le jus d'orange provient aujourd'hui essentiellement du Brésil ? Qu'un petit insecte venu d'Asie menace grandement cette filière ? Autant de questions auxquelles les marques ne répondent pas toujours. Et pour cause. Elles n'ont quasi pas pied dans les régions de production et font appel à des producteurs de jus d'orange qui travaillent en BtoB.
En avant-première en France
Cependant, l'un d'entre eux, Louis Dreyfus Company (LDC), a souhaité lancer sa propre marque pour aller de l'oranger jusqu'au consommateur. C'est ainsi que, depuis quelques semaines, les étagères des rayons « jus frais » accueillent une nouvelle signature : Montebelo Brasil, dont le packaging est doté d'un QR code renvoyant à une vidéo réalisée… dans la fazenda (plantation) Monte Belo. La marque de LDC, lancée en avant-première en France - un marché mature, mais très friand de pur jus -, est embouteillée par un partenaire de longue date, la Laiterie de Saint-Denis-de-L'Hôtel (LSDH).
From brasil
Certaines recettes de Montebelo Brasil ont été élaborées avec la cheffe Tabata Mey.
Outre souhaiter expliquer à travers cette marque le métier de producteur de jus d’orange, LDC donne une autre raison à ce lancement: dans ce métier de négociant en jus d’orange, l’entreprise franco-suisse fait face à deux leaders, associés à de puissantes marques: Cutrale avec Innocent (Coca-Cola) et Citrosuco avec Tropicana (PAI Partners). LDC travaille avec de nombreuses marques mais aucune n’est mondiale. D’où l’envie de créer la sienne.
En outre, « nous avons la volonté de revaloriser la filière, expliquent Georges-Édouard Duriez, directeur ingrédients et downstream de la division jus chez LDC, et Aurélien Grisval, directeur projets BtoC de cette division. Le groupe investit massivement dans ses plantations, notamment en RSE. Nous souhaitions faire savoir aux consommateurs tout ce qu’il y a derrière un jus d’orange afin de lui redonner ses lettres de noblesse. C’est un produit fascinant, l’un des moins transformés des produits de grande consommation. » Les deux spécialistes regrettent que « si le café s’est “décommodifié” en mettant en avant ses origines et ses saveurs, le jus d’orange, quant à lui, est devenu au fil du temps une simple commodité ».
Systèmes ultraperformants
Louis Dreyfus Company n'est donc pas allé chercher bien loin le nom de Montebelo. C'est tout simplement celui de l'une de ses plantations d'oranges au Brésil. Cela fait quarante ans que le groupe franco-suisse, déjà présent dans de nombreuses matières agricoles (blé, soja, coton, etc.), a investi ce secteur du jus. Aujourd'hui, il est uniquement implanté au Brésil, dans la fameuse Citrus Belt, établie dans trois États de ce pays d'Amérique du Sud, ceux de São Paulo, du Parana et du Minas Gerais. « Pour garantir une qualité optimale, nous avons besoin de maîtriser l'ensemble de la chaîne de production. C'est pourquoi nous investissons dans nos 38 plantations, parmi lesquelles Monte Belo est l'une des plus emblématiques, notamment grâce à son fameux m'ont recouvert de forêt vierge. C'est delà que notre marque de jus tire son nom. »
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C'est ici, à environ 400 kilomètres du port de São Paulo, que LDC prépare le futur du jus d'orange. Ce groupe présidé par Margarita Louis-Dreyfus, veuve du milliardaire Robert Louis-Dreyfus, dispose d'une nursery d'orangers, teste de nouvelles variétés d'oranges, mène des expérimentations pour capturer le carbone et essaie des systèmes d'irrigation ultraperformants. « L'irrigation est un enjeu important, appuie Georges-Édouard Duriez. L'oranger a besoin d'un stress hydrique pour déclencher la floraison au bon moment. Puis, d'un apport en eau régulier pour garantir un jus de qualité tout au long de l'année. » À Monte Belo, LDC a également disposé des ruches dans ses plantations. Le groupe travaille avec des start-up qui installent des caméras sur les ruches de façon à optimiser la pollinisation.
Avec le Cirad, Suntory s’attaque à la maladie qui affaiblit les agrumiers
La maladie du dragon jaune, du Huanglongbing (HLB) ou Citrus Greening est une bactérie touchant les agrumiers.Elle est portée par un petit insecte, le psylle asiatique. Quand cet insecte pique un agrumier pour se nourrir de sa sève, il transmet cette bactérie qui affaiblit ces arbres, abîme leurs fruits et les fait dépérir. Selon le Cirad, l’organisme français de recherche agronomique et de coopération internationale pour le développement durable des régions tropicales et méditerranéennes, la contamination s’est propagée de façon foudroyante depuis le milieu des années 2000. D’abord en Asie, puis en Floride où 99% des vergers ont été touchés. Le Brésil l’est également dans une moindre mesure (20% des surfaces, selon les chiffres qui circulent).
À ce jour, les moyens de défense sont quasi inexistants. Quelques insecticides et des campagnes d’arrachage… Du fait de cette bactérie, la production est en chute libre et les cours du jus d’orange ont triplé en deux ans. Une situation difficile pour les fabricants de jus d’orange et de boissons en contenant. Comme le japonais Suntory, connu en France pour des marques telles que Orangina et Oasis. Ce groupe, l’un des géants mondiaux des boissons, vient de signer un partenariat avec le Cirad pour financer un programme d’expérimentation. Celui-ci porte sur des innovations variétales prometteuses issues de sa recherche et déjà testées sur les oranges amères. L’objectif ? Permettre aux orangers de mieux tolérer la maladie du HLB et donc prolonger leur durée de vie et les années de production. La technologie sera testée via la plantation de champs expérimentaux dès avril 2025 en Guadeloupe, puis en octobre 2025 au Brésil. L’ambition est également de la déployer en Espagne, pour vérifier son adaptation aux conditions européennes et ainsi anticiper une éventuelle contamination dans le bassin méditerranéen jusqu’ici préservé. Ce projet d’expérimentation durera six ans.
« Ce partenariat nous offre l’opportunité de poursuivre le déploiement de nos résultats de recherches sur le terrain. C’est à travers l’engagement collectif de tous les acteurs de la filière agrumes que nous pourrons avancer ensemble et trouver des solutions contre le HLB », apprécie Raphaël Morillon, directeur de recherche au Cirad, l’un des centres les plus avancés sur la recherche liée aux agrumes.
Arnaud Jobard, directeur commercial de Suntory Beverage&Food France
« Dans un contexte d’inflation des coûts de matières premières, la hausse du cours de l’orange, liée à cette maladie dévastatrice, est une préoccupation qui se fait déjà sentir sur notre marché. Agir maintenant constitue donc un enjeuàlong terme majeur pour nous, pour nos clients et nos consommateurs. »
Tout est bon dans l'orange
Après chaque journée de récolte, les camions partent dans l'une des trois usines du groupe. En moins de vingt-quatre heures, les oranges sont pressées. C'est alors que toutes les parties du fruit sont valorisées : les huiles essentielles extraites de la peau de cet agrume intéressent les parfumeurs, tandis que la partie blanche contient de la pectine, un épaississant naturel dont est friande l'industrie alimentaire.
Reste qu'une ombre plane au-dessus des orangeraies brésiliennes. Une ombre qui a déjà décimé les plantations de Floride : la maladie du dragon jaune, du Huanglongbing (HLB) ou du Citrus Greening, transportée par un insecte, le psylle asiatique. Lorsque cette bactérie s'introduit dans un agrumier, elle cause de sérieuses pertes de rendements et de qualité. À terme, les arbres plantés pour vingt-cinq ans vieillissent prématurément. « Le Citrus Greening a attaqué la Floride, touchant 99 % des plantations. Cette maladie s'est aussi propagée au Brésil, où elle constitue un sujet d'inquiétude depuis une dizaine d'années », précise Georges-Édouard Duriez. Existe-t-il une solution simple pour stopper la prolifération de cette bactérie qui ne s'attaque qu'aux agrumiers ? Hélas, non. « Cependant, il y a un ensemble de bonnes pratiques. Nous cherchons notamment à limiter la contagion dans les jeunes plantations, particulièrement vulnérables, en créant autour d'elles une zone tampon de 5 km sans aucun oranger ou citronnier. De plus, nous sensibilisons les populations qui ont souvent un citronnier ou un oranger chez eux, car ces arbres peuvent devenir des foyers de contamination. »
Faune aux aguets
Jaguars, toucans, anacondas, tapirs, insectes en tous genres… La région recense au moins 300 espèces animales, parfois sympathiques, parfois dangereuses. D’où la nécessité pour les cueilleurs de se protéger des pieds à la tête.
À la main
La cueillette d’agrumes reste manuelle. À ce jour, aucune machine ne sait reconnaître la maturité d’un fruit, ni aller le chercher au cœur de ses arbres touffus. Les combinaisons des cueilleurs les protègent du soleil, des branches, des insectes et des animaux.
Transformation
LDCpossède trois usines de pressage des oranges. Elles y arrivent en moins de vingt-quatre heures après la cueillette. Là, le jus, mais aussi les huiles essentielles sont extraits. La peau est, quant à elle, séchée pour en extraire la pectine qui sert à l’alimentation animale. Tout est valorisé auprès d’industriels de la cosmétique ou de l’alimentaire.
Montagne
Située à 400 km du port de São Paulo, Monte Belo est l’une des plus jolies fazendas (« plantations ») appartenant à LDC. C’est une montagne au pied de laquelle l’entreprise a planté ses orangers. Cette parcelle est l’endroit de nombreuses expérimentations (optimisation de l’irrigation, travail sur la pollinisation, capture du carbone, etc.).
Transport
LDCdispose d’un terminal portuaire à Santos, le port de São Paulo, et d’un autre à Gand (Belgique) pour acheminer ses jus en quinze à vingt jours. Le groupe possède également deux navires, dont l’un sera bientôt équipé de « voiles », pour faire baisser le bilan carbone du jus d’orange produit par cet acteur. Le transport étant un poste important des émissions de carbone.